Il s’agit là d’un parcours de scènes, d’installations et de moments musicaux, articulés dans une sorte de labyrinthe où sous la direction d’un guide les spectateurs sont amenés à venir à la rencontre de quelques figures emblématiques d’un monde en péril, des êtres vivants, des animaux, des éléments – comme l’eau – et au bout de la chaîne « le roi » de la création qui est aussi, incidement, son bourreau potentiel… Si le guide se permet quelques explications zoologiques, il introduit aussi le mystère. On n’a pas affaire à un catalogue scientifique mais plutôt à une dérive dans ces zones frontières où s‘exprime à la fois notre parenté organique avec toutes les formes du vivant, et également notre lien spirituel fondamental. Comment la parole convoque ce foisonnement, s’y réfléchit, et comment enfin la perte d’une espèce est une amputation de notre être propre au-delà ou en-deça du deuil qu’elle constitue pour l’écosystème. Ainsi par exemple l’hirondelle des fenêtres, en grave diminution ; la symbolique vient aussitôt : le printemps, le voyage (et avec le voyage : l’exil, le rêve ,voire le rêve artificiel…) sans parler des traversées innombrables que cet oiseau a commis dans la poésie et la chanson populaire… Au bout du compte émerge cette interrogation : est-il encore temps de restaurer ce pacte avec la « nature » qui fondait bien des sociétés dites primitives et dont attestent notamment les paroles des indiens d’Amérique du Nord ( Pieds nus sur la terre sacrée, textes rassemblés par T.C. McLuhan).
En sommes-nous si loin désormais dans notre monde occidental gagné par le virtuel, que seules des catastrophes écologiques majeures pourraient nous obliger d’y faire retour ?
S’il traverse la célébration poétique des animaux qui risquent de nous abandonner, (de l’abeille à la baleine en passant par l’antilope du Tibet ou le dauphin du Yang-Tsé) sous forme de ce que la poésie classique nommait des « blasons », ce parcours comporte évidemment le questionnement central qui désigne une des failles essentielles de notre situation planétaire, là où réside un tragique immédiat.
Autour de textes divers, Gadenne, Alexievitch, Desbordes-Valmore, Roger Gilbert Lecomte et autres poètes, des paroles de penseurs allant de Guy Debord à Edgard Morin et des paroles d’acteurs, se tissent des actions, des sons, des trajectoires qui disent notre appartenance à la nature et le danger de sa dissolution.